Mercredi 24 novembre 1999. 18 heures. Je suis devant la Locomotive où Tiamat et Tristania sont à l’affiche ce soir. J’attends R’lyeh pour aller faire l’interview de Tiamat en espérant secrètement que Johan Edlung, le mentor du groupe, voudra bien répondre à nos questions … il a la réputation d’être un peu froid et de ne pas trop aimer faire d’interviews … Dans les loges, c’est Anders (basse) qui se proposera spontanément pour l’interview.
Artefact : Bonjour Anders, content d’être de retour à Paris ? Votre dernier passage remonte à presque deux ans lors de la tournée « A deeper kind of slumber » et vous étiez passés ici même à la Locomotive. Anders:
Oui, exact, je m’en souviens. La Locomotive est une petite salle mais
c’est très agréable d’y jouer, et puis le public parisien
semble très réceptif à notre musique.
Artefact
: Vous arrivez d’Allemagne je crois, par où exactement passe
cette tournée « Skeleton Skeletron » ? Est-ce que vous
allez quitter l’Europe par exemple ?
Anders:
Hier on était à Stuttgart, aujourd’hui
c’est Paris et dans 2 jours on est en Suisse je crois, donc on bouge pas
mal en Europe. C’est d’ailleurs là que se trouve notre public,
mais nous allons probablement faire 1 ou 2 concerts à Mexico aussi.
Artefact
: Un petit tour aux États-Unis peut-être ?
Anders
: On aimerait bien.
Rien n’est prévu pour l’instant. Avant que je rejoigne le groupe,
Tiamat a joué en 1ère partie de Black Sabbath
une année aux States.
Artefact
: Parlons un peu de « Skeleton Skeletron » si tu le veux
bien. Cet album est radicalement différent du précédent,
les morceaux sont plus courts mais l’ambiance est bien plus noire, bien
plus gothique aussi, que sur « A deeper … »
Anders:
C’est vrai qu’il est noir, mais …. hem …. Tiamat a toujours fait de la
musique sombre, c’est pas de la musique joyeuse je pense.
Artefact
: Dans « Skeleton … » il y a toujours beaucoup de claviers
mais les samples de « A deeper … » ont disparus.
Anders:
Oui, les claviers sont toujours là mais le
son et leur utilisation est beaucoup moins étrange que sur l’album
précédent. C’est un peu plus conventionnel mais c’est le
résultat qu’on a souhaité. Les samples eux ont disparus
parce qu’on n’en n’a pas eu besoin.
Artefact
: L’album est globalement très énergique, est-ce que ça
vient d’une volonté particulière de Tiamat de faire quelque
chose d’entraînant, avec moins d’effets et plus efficace ?
Anders:
Il est définitivement plus catchy mais on
a toujours souhaité faire des morceaux intéressants pour
les gens, qui les fassent bouger, réagir. C’est ce qu’on essaye
de faire dans les tournées. On joue les morceaux un peu plus courts,
souvent plus énergiquement que sur album. C’est fun et le public
apprécie.
Artefact
: Nous étions à votre show d’il y a 2 ans ici à
la Locomotive pour « A deeper … ». Je me souviens que le public
était comme envoûté, hypnotisé par la musique.
Peu de personnes bougeaient dans la salle …
Anders:
C’est vrai, mais « A deeper … » a des
morceaux qui ne se prêtent qu’à l’écoute, il y a beaucoup
de couches sonores et d’instruments simultanément. Pendant les
concerts de « A deeper … » on utilisait pas mal de samples
aussi, ce qui a compliqué et rendu peut-être la musique pas
aussi immédiate qu’on le désirait. C’est pas un album catchy
c’est clair !
Artefact
: Sur la précédente tournée vous aviez des peintures
fluorescentes sur le corps et un très bon show visuel. Qu’en est-il
cette fois-ci ?
Anders:
Oui, c’était très bien ces peintures,
c’était fun, mais c’est long et pénible de les mettre tous
les soirs, de plus quand on transpire c’est désagréable.
Il n’y en a pas cette année. C’est aussi parce que nous voulons
rendre les concerts plus spontanés, moins planant (ndz : cf la
chronique du concert un peu plus loin mais au contraire leur concert ce
soir là fut encore plus planant que celui de la dernière
fois …). La plupart des gens font comme tu le dis, ils rêvent pendant
nos concerts, ils planent, beaucoups’assoient
même ! Cette fois on souhaite que tout le monde bouge.
Artefact:
Cela doit se sentir dans la playlist de ce soir … pourrait-on savoir ce
que vous allez nous jouer ?
Anders:
Ooh … on va jouer un peu de tout, de « Clouds
» à « Skeleton … ». Certains morceaux sont clairement
attendus par le public alors on ne peut pas y couper, mais chaque album
sera représenté. On jouera 5 ou 6 morceaux du dernier album.
Artefact
: Votre musique a incroyablement changé depuis votre début
de carrière. Comment expliquez-vous cela ?
Anders
: Il n’y a pas de raisons particulières à
cela si ce n’est que nous avons dix ans de plus ! On n’a rien décidé
tu sais, c’est arrivé, et on continue chaque jour de changer notre
musique.
Artefact:
Oui, mais est-ce que votre feeling est le même ? Est-ce que vous
jouez toujours pour les même raisons qu’à vos débuts?
Anders
: J’aime toujours ce que j’aimais il y a 10 ans,
la chose qui change c’est que j’écoute plus de trucs, et plus variés
aussi. L’évolution que connaît Tiamat est normale, naturelle.
A notre départ, on était juste un groupe de jeunes qui voulaient
avoir l’air méchant, mais quand tu mûri, tu découvres
d’autres émotions que tu peux avoir envie d’exprimer. C’est pas
une coïncidence si des groupes comme Anathema ou My Dying Bride font
la musique qu’ils font en ce moment …. à leur débuts ….
c’était comme Tiamat …. Ou lalala !
Artefact:
J’ai une question un peu délicate. Etant donné que Johan
compose et écrit tous les morceaux du groupe, je me demandais si
Tiamat n’était pas devenu une sorte de projet solo. Comment vous
autres membres du goupe arrivez-vous à vous exprimer dans la musique
? Est-ce problématique ?
Anders: Ce n’est pas un problème. Pendant la période de composition, Johan était très inventif, il arrivait tout les jours avec un nouveau morceau, mais avec les accords seulement. C’est ses chansons si tu veuxmais mises en forme etexprimées par le groupe entier. Nous tous. C’est notre son, nos émotions. L’album aurait été complètement différent si Johan l’avait enregistré avec d’autres musiciens. Tu comprends ? Lars (batterie) et moi on sonne comme on sonne et Lars notamment a un jeu particulier qui correspond au ‘son Tiamat’ et que lui seul a. Donc l’album est définitivement l’album du groupe, tout le monde s’y exprime. Il y a d’ailleurs beaucoup de choses que Johan a dû changer parce que ça ne nous plaisait pas. Je pense que cet album, aussi paradoxal que ça puisse paraître, est plus le fruit du groupe entier que le précédent. Artefact : Comment réagirait Tiamat si leur dernier album ne se vendait pas, si le public ne suit pas ? Est-ce que vous vous diriez : « Mince, on s’est trompés, on est dans l’erreur, ça ne va pas. ». Ou est-ce qu’au contraire vous vous ne tenez pas compte des avis et suivez fidèlement la route que vous vous êtes choisis ? Anders:
C’est un risque de sortir un album, mais tu ne peux
pas y faire attention. Avant tout tu dois le faire tel que tu le conçois,
pour qu’il te plaise à toi. Quand ton album est fini, tu dois en
aimer chaque partie, chaque note, tu ne peux avoir à l’esprit les
autres, qui te contrôleraient, te freineraient sur certains trucs.
Sinon, c’est pas vivable, tu es constamment dans le doute, dans le calcul.
C’est même malsain. Mais c’est un choix personnel. Nous espérons
simplement que notre musique va plaire, nous ne faisons rien et ne ferons
je l’espère rien délibérement en ce sens.
Artefact
: Merci Anders d’avoir répondu à nos questions, pour
conclure, si tu devais définir Tiamat en 3 mots ?
Anders
: Erm ….. i don’t know …… hum ……waouw c’est dur
! ….. j’ai pas d’idées en fait …. les sentiments sont tellement
mélangés ….
Artefact
: Le dernier album alors ….
Anders
: Ah ! Alors là je dirais Rock and Roll ! (rires) , merci à
vous, à tout à l’heure !
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