Artefact
: Avant de parler du cas Satyricon, parlons un peu de la place du black
métal en Norvège si tu veux bien.
Satyr : ... plusieurs secondes passent...
ok (ouf ! ndlr)
A : Tu dois savoir quen France contrairement à la Norvège,
le black métal nest pas exactement le type de musique quon
peut entendre à la radio ou à la TV. Alors pour nous, voir
que « Volcano », votre dernier album, a été
couronné meilleur album de lannée dans deux quotidiens
nationaux en Norvège relève du paranormal. Peux-tu nous
expliquer comment le black métal en est venu à avoir une
telle reconnaissance dans ton pays ?
Satyr : Ce nest pas arrivé par enchantement. On sait
tous que les débuts de black métal se situent il y a 12
ans. Et au départ cétait vraiment un petit courant,
alors totalement absent des media, qui avait plus dimpact hors de
Norvège. Cest ensuite que Satyricon (ou plutôt moi)
a commencé à utiliser les media quand nous avons sorti «
Rebel Extravaganza » en 1999 pour générer un intérêt
auprès dun public plus large. Jai donc donné
beaucoup dinterviews que je naurais jamais données
avant pour que le black métal soit plus reconnu dans son propre
pays. Il en a résulté plus de passages à la radio
et un intérêt plus grand des émissions musicales pour
la scène black. Cest à ce moment que les gens ont
réalisé le sérieux des shows et le professionnalisme
de cette scène, et que le black à commencé à
être perçu comme il se doit et à être véritablement
respecté. Mais au départ, cétait comme en France,
il était inimaginable dentendre du black métal à
la radio. Si cest finalement arrivé, cest principalement
grâce à Satyricon qui était le seul groupe à
sadresser aux gens extérieurs au métal pour en quelque
sorte les éduquer à cette musique. Il a fallu répondre
à beaucoup de questions bêtes pour expliquer aux gens ce
quest le black et éveiller leur intérêt pour
cette musique.
Ce qui sest passé en fait, cest que les gens qui étaient
intéressés par la scène rock en général
de Queens Of The Stone Ages au punk rock en passant par Slayer ont ouvert
leurs yeux et leur oreilles, ont écouté « Rebel Extravaganza
», ont trouvé ça bien et se sont penchés sur
Emperor, Immortal, Mayhem etc. Tout ceci a lancé un cercle vertueux
pour le black métal norvégien, car il existe des fonds culturels
qui récoltent de largent grâce aux diffusions radio
et qui ensuite le redistribuent aux groupes qui demandent une aide pour
faire des tournées en Europe. A lépoque, il était
impossible pour un groupe de black de recevoir une telle aide car ils
ne finançaient tout simplement pas les groupes de black. Désormais,
cest possible ! Satyricon, Mayhem, Dimmu Borgir, Immortal reçoivent
de largent de ces fonds culturels pour faire leurs tournées
européennes.
Mais pour en arriver là en France, il faut que quelquun prenne
le bouc par les cornes et fasse ce travail déducation du
public.
A : Est-ce que tu penses que signer avec EMI Norvège vous a aidé
à atteindre la reconnaissance (légitime) que vous connaissez
aujourdhui avec « Volcano » ?
S : Je crois surtout que ça aide notre
distribution (rires). Je me souviens pendant la tournée avec Pantera,
alors que nous étions chez Nuclear Blast, nous jouions à
Lyon, et je suis allé au Virgin qui est immense mais pas moyen
de mettre la main sur « Rebel Extravaganza » ! ça ma
vraiment foutu en rogne parce que je me disais que si un fan de Pantera
appréciait notre show et voulait se procurer lalbum il ne
le trouverait pas ! Quand tu es fan de black, tu connais dautres
moyens pour te procurer des albums de black comme la VPC ou les magasins
spécialisés, mais quand tu nes pas dans ce milieu
tu vas au plus simple, à savoir dans un magasin de disques... Lavantage
avec EMI, cest que dans la plupart des cas on trouve « Volcano
» chez les disquaires.
A : Maintenant parlons musique. Sur « Volcano
», vous avez intégré des rythmes nouveaux pour du
black métal et tu as dit dans des interviews que pour toi les racines
du black sont dans le rock and roll. A quels groupes fais-tu allusion
?
S : Par exemple Bathory et Venom. Je crois
quils sont très rock and roll. Mais on en revient toujours
à Black Sabbath en fait. Par exemple, Quorthon (monsieur Bathory)
considère son groupe comme Motörhead sous speed... Il y a
plusieurs façons denvisager le black métal. Certains
groupes ont leurs racines dans le heavy métal dautres dans
le rock comme Satyricon ; mais « rock » peut vouloir dire
beaucoup de choses...
A : Est-ce que ces rythmes rock and roll donc, sont à lorigine
du concept de « Volcano » ou est-ce venu au cours de lécriture
de lalbum ?
S : Lidée forte de « Volcano
» était de faire lalbum le plus sombre de Satyricon.
Tous nos albums ont été sombres à leur façon,
ce que jai essayé de faire avec « Volcano » cest
de rassembler ces différentes approches en un seul cocktail Molotov,
faisant de « Volcano » un album extrêmement sombre et
atmosphérique avec en même temps une approche très
directe et « dans ta face ». Une part de mon inspiration est
venue de ma réflexion sur les autres musiques ; cest comme
ça que ça marche avec ce groupe.
A : Tu as commencé Satyricon très jeune, à lage
de 15 ans ; quest-ce qui a changé dans ton approche de la
musique ?
S : Je pense que mon approche est plus analytique
et professionnelle bien que toujours passionnée ; cest toujours
lenvie décrire une musique sombre et agressive qui
est mon moteur. Je suis par ailleurs resté un fan de musique et
jen écoute beaucoup.
A : Quand as-tu commencé à réaliser que Satyricon
allait faire partie de lhistoire du black métal ?
S : Relativement tôt, dès notre
premier album qui était vraiment quelque chose de nouveau et qui
ne sonnait comme rien dautre avec ce côté médiéval
peu courant à lépoque. Chaque album de Satyricon a
exploré de nouveaux territoires ce qui confère à
chacun sa propre de marque de fabrique en quelque sorte. A chaque fois,
nos albums ont fait hausser les sourcils des gens et ont attiré
leur attention ; cest la nature du groupe et cest ce qui explique
en partie son succès.
A : Est-ce que tu as toujours le même plaisir à jouer vos
anciens morceaux ?
S : Oui. Ça dépend... je ne
joue pas mes morceaux à la maison, jutilise la guitare comme
un outil de composition et pour enregistrer. Par exemple je nai
pas joué les morceaux de « Volcano » depuis lenregistrement
de lalbum (Satyr se contente de chanter sur scène ndlr).
Je ne joue pas souvent de guitare parce que je ne trouve pas ça
tellement amusant ; jaime écrire et enregistrer ma musique.
Mais quand il sagit de jouer mes morceaux en live, cest différent
: évidemment plus tu joues une chanson plus tu vas te lasser mais
en même temps cest toujours un coup de pied au cul. Jai
joué « Mother North » un nombre incalculable de fois
mais cest toujours avec plaisir parce que je me nourris alors de
lénergie du public.
A : Quel message veux tu faire passer dans tes textes ? Quelle est la
philosophie de Satyricon ?
S : Mes textes sont une réflexion
de ma propre personnalité. Ils ont changé au fil des ans
; jeune jécrivais sur les choses contre lesquelles jétais.
Désormais jécris plus sur les choses en faveur desquelles
je suis.
A : Parlons maintenant du futur de Satyricon. Est-ce que tu as déjà
une idée de la direction que va prendre ta musique pour le prochain
album ?
S : Jy ai déjà un peu pensé, mais cest
encore un peu tôt... On a bossé longtemps sur « Volcano
», on est encore dedans et on va encore tourner un moment jusquà
la fin de lannée... jai quelques idées qui me
trottent dans la tête, mais ce nest pas le moment de révéler
quoi que ce soit surtout parce que cela risque encore de beaucoup évoluer
quand on commencera à écrire le prochain album.
A : Tu as maintenant 27 ans et à ce titre on peut te considérer
comme un vieux de la vieille du black métal. Comment décrirais-tu
lévolution de ce style depuis ces débuts ?
S : Beaucoup de choses ont changé
dans les 10 dernières années. Au départ cétait
un petit cercle de personnes qui se connaissaient toutes. A lextérieur
de cette « petite société secrète »,
personne ne comprenait ni ne savait ce que nous faisions. Cétait
bien dans le sens où cétait quelque chose de réservé
aux heureux élus... il y avait une atmosphère spéciale
et une sorte de mystère entourait cette scène en Norvège.
Quasiment tous les albums sortis à cette période étaient
excellents. Des tas de classiques sont issus de cette période.
Au fur et à mesure que le black devenait plus répandu, vers
la fin des années 90, il a perdu une part de son mystère
mais en même temps ça a offert lopportunité
aux musiciens de faire des shows et denregistrer des disques et
aux fans de se procurer les disques plus facilement.
A : Beaucoup de groupes incorporent désormais beaucoup dinfluences
extérieures aux black métal : de la musique classique pour
Dimmu Borgir ou Cradle Of Filth par exemple, de lindus sur votre
album précédent « Rebel Extravaganza », de la
techno pour dautres, du heavy pour Children Of Bodom... A ton avis
est-ce que cela peut marquer larrivée à maturité
du black métal ?
S : (sourire) oui... ça peut vouloir
dire plein de choses en fait : ça peut vouloir dire que le black
métal a plus de directions et de possibilités dexpression
quavant et quà se titre il est plus mature, dune
autre côté ça peut aussi signifier quil a perdu
une part de sa pureté et de ce qui le rendait si spécial.
Je pense par exemple que bien que nous y ayons amené une patte
qui appartenait à une autre scène sur « Rebel Extravaganza
», cet album nen demeure pas moins lalbum le plus black
métal que Satyricon ait fait ; cest le plus haineux, agressif
et intense que nous ayons fait. A mon avis, la raison pour laquelle certains
fans de black métal étroits desprit ont critiqué
ce disque cest que lintégration déléments
issus de la musique industrielle a rendu la musique si heavy, si extrême
que cen était trop pour eux. Et au lieu de reconnaître
que cétait plus quils nen pouvaient entendre,
ils ont trouvé plus simple de dire que ce nétait pas
du black métal. Cest ce que je pense car si tu écoutes
Children Of Bodom par exemple : ce nest pas extrême ! Children
Of Bodom cest de la pop-music avec des guitares distordues ! ce
nest pas extrême du tout. Il y a plein de types qui se prétendent
« true metal fans » et qui ne jurent que par Stratovarius...
Stratovarius nest pas métal, Stratovarius cest de la
pop music. Tu connais le terme de « power pop » ? comme Nickelback
par exemple. Pour moi, Stratovarius nest pas plus métal que
Nickelback. Je pense quil y a plein de « metal fans »
qui sont en fait fans de pop music sans sen rendre compte ! (rires)
A : Le problème en fait vient de la définition
même de ce quest le black métal. Pour les prétendus
« true black metallers », le black métal se résume
à des vocaux hurlés sur fond de blast beats et point à
la ligne...
S : Pour moi le black cest une musique
sombre et extrême avec des textes sombres et extrêmes et une
imagerie sombre et extrême... cest comme ça que je
le définis. Si un groupe sonne intense, sombre et agressif avec
des textes et une image à lavenant, alors pour moi cest
du black métal. Mais le plus simple pour savoir si tel ou tel groupe
est black ou pas cest de me faire écouter leur musique et
là je pourrais te dire ce qui est et ce qui nest pas du black
métal à mes yeux. Si on reste en Norvège par exemple,
Immortal, Dark Throne sont des groupes de black métal, Mayhem aussi
: bien quils soient devenus assez progressifs ils restent extrêmes
et sombres. Dimmu Borgir était un groupe de black ; ils gardent
une approche black de leur musique, mais pour moi ils font plus quelque
chose comme du heavy gothique. Je naime pas ce quils font,
mais je trouve quils sont bons dans ce quils font et quils
sont notamment meilleurs que Cradle Of Filth qui sonne moins vrai queux.
Mais pour moi cest trop heavy et gothique pour les considérer
comme faisant du black métal. Cest ma propre perception des
choses, mais le black se perd quand il commence à devenir gothique.
Cest une voie que ne prendra jamais Satyricon. Je suis farouchement
contre toute forme de musique gothique (sourire) ; cest ennuyeux,
ces histoires de romances larmoyantes où tout a lair si triste,
il y a des pleurs et blabla... (air dégoûté). Ça
na absolument rien à voir avec lénergie du black
métal.
A : A ton avis, quel sera le futur du black métal ? Est-ce quil
va continuer à prendre de lampleur ou va-t il régresser
?
S : Pour moi le black métal deviendra
ce que les groupes pionniers du genre en feront. Ce sont eux qui influencent
les autres groupes et par conséquent, ce sont eux qui définiront
par leur musique quel sera le son du black métal à lavenir.
Mais je ne pense pas que ces groupes eux-mêmes, comme Satyricon,
savent actuellement ce que sera leur musique dans le futur. Seul lhistoire
le dira...
A : Penses-tu jouer du black métal encore longtemps ? Te vois-tu
en jouer encore dans 10 ans ?
S : Tant que je voudrais et que ma passion
sera présente.
A : Tu penses quil est possible de se lasser de jouer du black ?
S : Oui.
A : Est-ce que cest un terrain dexpression trop restreint
?
S : Non je pense pas que le black soit trop
étroit pour sexprimer. Ma vision du black cest que
tout ce que je fais cest du black métal. Je suis lun
de ceux qui définissent ce que ce style doit être, donc je
reste très libre. Mais oui, je pense quil est possible de
se lasser de cette musique mais encore aujourdhui, je suis très
passionné et jadore ce que je fais. Tu peux finir par te
lasser si tu nas pas en permanence lenvie datteindre
de nouveaux sommets. Moi jai encore cette hargne, mais le vrai problème,
cest que plus un groupe devient important, plus la pression extérieure
augmente. Au départ il était juste question de jouer de
la musique, mais aujourdhui, jai des responsabilités,
il faut lire et signer les contrats, prendre des décisions etc.
ce qui nest pas franchement amusant et qui a tendance à méloigner
de la musique. Mais comme je veux décider de lavenir du groupe
et garder le contrôle du cap je fais tout moi même contrairement
à dautres groupes qui délèguent des choses,
ce qui leur permet de subir moins de pression et de samuser plus,
mais par contre, ils ne sont plus tout à fait les maîtres
de leur destin. Par exemple, je ne veux pas que ma maison de disques choisisse
pour moi un photographe. Je préfère prendre le temps de
regarder les porto folios des photographes et en choisir un moi-même.
Beaucoup ne font pas cet effort. Moi je minvestis dans tous les
aspects des choses.
A : Tu es très occupé en ce moment entre cette tournée,
la promotion de « Volcano » et la gestion de ton label Moonfog...
As-tu le temps de travailler sur ton projet parallèle Eibon ? (ndlr
: regroupant Fenriz de Dark Throne, Kiljoy de Necrophagia, Maniac de Mayhem
et
Phil Anselmo de Pantera)
S : On a enregistré 4 titres il y
a longtemps et ils étaient excellents. Jai longtemps voulu
terminer lalbum Eibon, mais le problème est que jai
été très occupé avec « Volcano »
et surtout quaprès la tournée, Phil Anselmo a donné
la priorité à son propre side-projet.
A : Enfin, pour terminer, comment décrirais-tu Satyricon en trois
mots ?
S : Je sais ce que notre ingénieur
du son dirait ; il dit toujours « Puissance, sexe et agression »
(rires). Pour moi cest « ténèbres, agression
et élitisme ».
A : Quas-tu envie de dire aux lecteurs dArtefact ?
S : Je sais pas trop. Jaurais tendance
à vous encourager tous à venir à nos concerts et
à vous pencher sur « Volcano » qui représente
ce quest actuellement Satyricon : Volcano est notre message ! (rires)
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