INTERVIEW
Bristol Meyers Squibb

Souvenez vous, dans l'interview de DIVISION ALPHA parue dans le précédent ARTeFACT, nous évoquions avec Phil et Fred l'hypothétique fusion des musiques métalliques et technoïdes. Les plus fidèles d'entre vous se rappelleront sans doute l'album de RAISM paru en mai 1998 (ARTeFACT 3) et qui initiait, à sa manière, le rapprochement de ces deux cultures. BMS, groupe Bordelais composé par Matthieu, Boris et Jessy a présenté l'année dernière sa vision d'une sorte de métal/hard core techno, fusion de rythmes hypnotiques et de vocaux déchirés portés par des guitares supra-agressives ... explications.

Zorglub : Parmi les influences que vous citez, on note une bonne dose de métal, des groupes goth et indus, de même que certains vieux groupes progressifs ... mais assez peu finalement de musiques purement électroniques et à fortiori de techno ... Qu'est ce qui vous a amené à faire ce genre de musiques hybrides alors ? Qu'est ce que vous y trouvez que vous ne trouvez pas ailleurs?

BMS : Les groupes que nous citons ne reflètent en fait que nos goûts musicaux, ce sont ceux qui nous ont amené à faire de la musique et à faire Bristol, car sans trop vouloir nous avancer, nous pensons que notre musique n'a pas d'influences directes. Sinon, notre inspiration majeure au niveau de la démarche musicale est Ulver, tout simplement parce qu'il ont une perception de la musique "nouvelle" qui nous semble en fait très naturelle.... et le groupe qui se rapproche le plus de nous sur la liste est sans doute Ultraviolence (les maîtres de la techno hardcore). Enfin, tu oublies qu'en bonne place figurent Moby et Leftfield. Mais il est vrai que la techno ne nous passionne pas outre mesure. L'orientation techno de BMS est quelque chose d'étrange et naturel. Il fallait le faire. Nous voulions faire un groupe et c'est là que nous avons trouvé l'entente parfaite. Nous avons trouvé dans la techno une richesse de sons, une texture différente et un espace musical à la fois vierge et infini. Un excellent terrain de jeu pour nous, qui ne voulions pas nous cantonner à un seul style.

Zorglub : BMS est un furieux mélange de techno et de métal. Comment est perçu BMS de "l'autre coté"? Est ce que les technoïdes sont réceptifs à ce genre de fusions? Avez vous eu des retours de magazines et fanzines de la scène techno?

BMS : Nous n'avons pas encore envoyé la démo à des zines techno, mais on va s'y mettre. Néanmoins, les réactions d'amis engagés dans le milieux ont été très favorables, même si le leitmotiv constant est "pourquoi avoir foutu de la gratte et du chant?". En revanche, en concert, ils ont tous changé d'avis, le chant et la guitare apportant plus de puissance à l'électronique. Nous n'avons donné qu'un seul concert, mais ce fût une expérience merveilleuse! Les gens sont ressortis sur les rotules, le sourire jusqu'aux oreilles. On ne les a pas ménagé, un mix de 20 minutes commençant à 120 BPM pour finir à 240. Une salle comble dansant à 240 BPM, c'est très impressionnant. Mais je crois qu'il y avait pas mal de trippés et ça aide...

Zorglub : Au vu de la technologie et des instruments utilisés, j'imagine que la conception des morceaux doit être légèrement différente d'un groupe classique, non? Comment se passe effectivement l'élaboration de nouveaux morceaux? De quoi partez vous?

BMS : C'est à la fois très simple et assez incongru, vu qu'on ne répète pas. Mathieu s'occupe seul de la musique électronique, notre nouveau guitariste Sébastien met en place, directement lors de l'enregistrement, ses riffs, puis on discute ensemble des arrangements. Viennent ensuite les vocaux, les harmonies...Nous comptons aussi enregistrer des instruments à cordes (avec l'aide d'un violoniste jazz manouche, si tout va bien). Ensuite, on va pouvoir répéter et réarranger les morceaux pour la scène. Live, ce sera certainement différent, et c'est tant mieux. Ca sera de la folie!

Zorglub :Mathieu, comment abordes tu la programmation électronique du rythme, toi qui est par ailleurs batteur au sein d'ABSURD? Vois tu ça comme un prolongement, une ramification de tes compétences de batteur? Que trouves tu dans les machines qui te manque dans une batterie classique? Si l'approche est différente, en quoi l'est elle? En quoi est elle similaire?

Mathieu : A dire vrai, je ne m'étais jamais posé la question. Il faut dire que la programmation rythmique n'est qu'une petite partie de mon travail dans BMS. Assurant toute l'électronique, le rythme ne vient qu'après toutes les séquences. Mais c'est vrai que j'essaye de soigner les rythmes. Ca ne s'entend pas trop sur la démo, sauf sur la dernière partie de "Bedreska" où le charley et les claps sont assez complexes, tout en syncopé. Sur les nouveaux morceaux, le traitement rythmique est beaucoup plus travaillé, avec des batteries live que j'ai retravaillé avec divers filtres et effets. Les beats techno m'ont aussi demandé pas mal de temps, surtout pour le traitement sonore. Mais encore une fois, ce n'est rien comparé au reste de la programmation car la rythmique se travaille sur 8 pistes alors que le reste de l'électronique se gère sur 32 pistes. Pour en revenir à mon rôle de batteur, un DJ avec qui j'ai collaboré m'a dit que ça s'entendait que j'étais batteur et que ça apporte un plus considérable dans ce style.

Zorglub : Les noms de morceaux de "Tense" sont pour le moins incongrus et personnels, de même le chant particulièrement saturé rend les paroles peu où pas intelligibles. En fin de compte, on a la musique mais on ne sait pas ce qui motive BMS ou les sujets qui sont abordés dans "Tense". Est ce voulu? Si non, pourrait on en savoir un peu plus?

Boris : Aussi étrange que cela puisse paraître, il y a des textes, mais les mots, les phrases sont complètement éclatées, décortiquées, mâchées, crachées... cette méthode annule alors l'idée d'"auteur" d'un coté (celui à texte) mais la renforce de l'autre car c'est très instinctif et personnel, c'est la raison pour laquelle ils sont enregistrés à vif, sans répétitions. Ce qui m'intéresse dans Bristol, c'est la relation du corps à la musique, ça fait directement référence au "happening" C'est très physique et assez déstabilisant, mais c'est bon. Quant aux titres, c'est très pharmaco-chimique...

Zorglub : Si RAISM et BMS restent à ce jour les rares exemples de ce type de fusion, pensez vous qu'à l'avenir d'autres formations pourraient suivre les traces? Le chemin vous parait il promis à de belles découvertes? Quel est selon vous le frein principal en ce moment?

Boris : Tout reste à faire dans ce style! Même si nous apprécions RAISM, force est de constater que même si leur démarche était assez "aventureuse", elle n'en était pas moins basique car en fait, de techno métal, il y avait des parties métal traditionnelles, puis un break techno etc.... Dans Bristol, la base musicale est techno et les arrangements sont bien plus fouillé. Les autres groupes qui tentent ce genre de métissage ne prennent pas suffisamment de risques, ils se contentent de sampler des guitares et les mettent en loops sur un beat techno. Nous pensons qu'une guitare enregistrée live est bien plus puissante et vivante. Pas mal de groupes ont tellement galvaudé cette musique qu'il est maintenant difficile de la rendre intéressante. Tout cela nous motive encore plus, même si on s'en fiche un peu. Nous avons tout à prouver. Il n'y a aucun frein pour nous, nous n'essayons pas de plaire à un public particulier, sinon à tout public, où à personne. Nous n'allons pas baisser les guitares pour rallier les technoïdes, nous n'allons pas minimiser les loops pour ne pas rebuter les métalleux. Les nouveaux morceaux vont dans cette direction.

Zorglub : Y aura t il une suite à "Tense" et qu'en est il de vos deux autres projets Die Kaiserkrone et Squibb in Dub? Au fait, que veut dire Bristol Meyers Squibb? Comment avez vous choisi ce nom?

BMS : Nous sommes en train d'enregistrer de nouveaux titres avec un nouveau guitariste qui officiait dans Psalm avec Boris, Jessy se consacre à présent entièrement à Voracious Gangrène. Les nouveaux titres sont plus aboutis, réfléchi (2 ans de réflexions) et plus extrêmes. Ce sera aussi très diversifié. Nous espérons qu'un bon label pourra nous soutenir, s'il en a le courage et le coeur. Die Kaiserkrone est mort après la première démo, ça va faire 3 ans. Enfin, Squibb in Dub est prêt et on ne devrait pas tarder à le sortir. C'est le premier d'une longue série : Squibb in hip-hop, Squibb in Black... Pour Squibb in Dub, nous avons pris nos marques avec Boris et ça nous a aidé à la préparation pour le nouveaux Bristol. Ce projet est une autre facette de nos personnalité, c'est un concept album. Il n'y a que de l'électronique et du chant (pas de samples), c'est assez surprenant. Ca reste néanmoins très intense. Certains le préfère à Bristol! Va sortir aussi Squibb, qui est notre projet le plus personnel et aussi le plus douloureux. Il s'agit d'électronique et de voix capturées à la radio que l'on a réagencées de manière à ce que cela crée une narration. C'est assez cinématographique... Quand à pourquoi Bristol Meyers Squibb, c'est en rapport avec une boite pharmaceutique, Russ Meyers et les explosifs...

Zorglub : Pour conclure, comment voyez vous votre musique, qu'est ce qu'elle évoque pour vous ?

BMS : Nous voyons notre musique comme un territoire vierge où tout est possible. BMS, c'est la liberté totale, sans limite, on a les veines saillantes... On peut tout se permettre, tant que ça sonne juste et que ça nous surprenne. C'est un concentré de vie. Il y a la colère, la peur, la mélancolie, la joie, le rire... Une musique vivante et extrême, à fleur de peau. Il y a aussi un coté enfantin, limite autiste.


BMS Line up :

Boris : Effects, distorted and clean voices
Mathieu : Programmation, electronique, voix
Jessy : Guitar effects

 

 

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