INTERVIEW


Entretien avec Angra
Le 17/02/2005 à l’Antipode, Rennes
Par The Undertaker

 

C’est avec grand plaisir que nous retrouvons Angra sur nos routes après la sortie de « Temple Of Shadows », l’occasion de nous démontrer que le groupe est plus solide que jamais et que plus personne ne fait défaut dans le groupe. Les confrères de Shaaman sortent eux aussi un nouvel album (cf. chronique) mais force est de constater que le lien entre les deux groupes est aujourd’hui purement historique. Rafael Bittencourt prend pour nous la température au sein d’Angra…

ARTeFACT : Quelles différences observes-tu sur cette tournée en comparaison avec celles qui ont déjà traversé l’Europe ?
Rafael Bittencourt :
Je pense que nous commençons à attirer un public plus jeune. Nous voyons des fans de seize, dix-sept ou dix-huit ans qui n’étaient pas présents en aussi grand nombre avant. Cela est très important à nos yeux car cela signifie que nous sommes en train de conquérir de nouveaux fans, et nous regardons donc vers le futur ce qui est très motivant pour donner le meilleur de soi. Je ne peux pas dire vraiment à quoi c’est dû, il y a peut être un effet de mode avec les groupes à chanteuses qui passent à la radio ou bien est-ce simplement du bouche-à-oreille. En tout cas, les concerts affichent souvent complets et les groupes avec lesquels nous tournons n’y sont sans doute pas pour rien. Edenbridge et Manticora sont d’excellentes formations et nous sommes ravis de tourner ensemble, et le public adhère très bien également.

A : La situation est-elle la même au Brésil ?
R. B. :
Le métal d’une manière générale demeure underground, qu’importe le style, qu’importe le pays. Mis à part quelques groupes américains peut-être, le grand public n’a pas aujourd’hui accès au métal par les médias traditionnels. Les pays sont tellement connectés de nos jours avec le satellite, Internet, etc, que finalement au Brésil ou ailleurs les gens entendent la même chose qu’en Europe ou aux Etats-Unis. Les grandes majors contrôlent totalement les goûts des gens pratiquement partout dans le monde, il n’y a donc pas plus de place pour un groupe comme Angra au Brésil qu’en France. 

A : Quelle est ton opinion sur Internet et le téléchargement ? 
R. B. :
Pour un groupe comme Angra, c’est une très bonne chose. Si nous comparons ce que nous perdons en argent et ce que gagnons en publicité, nous sommes clairement gagnant. Pour un groupe comme Metallica qui est une très grande entreprise au sein de laquelle beaucoup de gens sont payés pour assurer le succès commercial du groupe, c’est une perte qui se chiffre jusqu’à 40% des bénéfices. Pour d’autres dans la pop, ce chiffre peut atteindre 60%. Ces pertes ne se répercutent pas seulement sur les musiciens mais sur toute la profession du disque. Les grandes maisons de disque procèdent aujourd’hui à beaucoup de licenciements, mais c’est aussi des disquaires qui vont devoir mettre la clé sous la porte. Il ne faut pas croire que le téléchargement porte seulement préjudice à Britney Spears, il y a aussi beaucoup d’emplois derrière et c’est bien cela le plus grave. De plus, la qualité des production en souffre aussi car les maisons de disque ne sont plus prêtes à investir autant d’argent dans les albums sachant qu’elles vont en perdre une partie derrière. Un label ne mettrait plus autant d’argent dans un disque que ce qui a été investi dans le black album en 1991.

A : Pour reprendre l’exemple de Metallica, penses-tu que c’est un facteur qui a pu jouer dans la production de « St Anger » ?
R. B. :
C’est un des facteurs certainement, mais le cas de « St Anger » est plus complexe car il y a toute la dimension psychologique qui intervient comme le montre le dvd « Some Kind Of Monster ». Je l’ai vu deux fois et je me suis beaucoup reconnu dedans. C’est une épreuve par laquelle passent tous les groupes à mon avis, le lien entre les musiciens est bien plus fort que la simple amitié, les enjeux deviennent très importants dès que le groupe commence à vendre des disques. Pour Angra, cela s’est terminé par une séparation avec certains musiciens, mais l’exemple de Metallica peut faire comprendre à quel point cette solution peut être inévitable. C’est un groupe qui est arrivé à un tel niveau qu’ils se sont demandés ce qu’ils faisaient encore ensemble. Ils ont travaillé si durement pour arriver à ce stade, si on se remémore la sortie de « Master Of Puppets », que faisait Metallica au milieu de Scorpions, Iron Maiden, White Snake, Van Halen ou Def Leppard ? Tous ces groupes étaient de la berceuse à côté de Metallica ! Angra s’est beaucoup inspiré de l’énergie nouvelle que dégageait Metallica, James Hetfield est quelqu’un de très intelligent : tout en conservant l’émotion et l’intuition dans la musique, il possède une approche très sophistiquée de la composition dans sa manière d’agencer les riffs et les parties. Ce qu’Angra fait avec des claviers et des mélodies, James Hetfield le fait simplement avec sa voix. C’est ce feeling particulier que je cherche à exprimer dans ma musique, et c’est en ce sens que Metallica a été une influence déterminante pour moi. Enfin nous pourrions faire une interview entière rien que sur le « Some Kind Of Monster » car il montre le côté humain d’un groupe de musique au grand public. C’est une chose dans laquelle je me sens très impliqué…

A : Serais-tu prêt à dévoiler ta vie devant les caméras de cette façon ?
R. B. :
Je dévoilerais sans complexe ma vie en montrant ma petite fille, ma maison, ma famille ou ma voiture. Je me sentirais à l’aise avec cela. Je pense par contre que le plus dur serait de montrer les relations au sein d’Angra, nos discussions qui sont parfois sans fin pour des idioties… Je ne sais pas si je serais prêt à montrer cela car je pense que nous pourrions réellement décevoir nos fans. L’ambiance dans le groupe n’est certainement pas aussi idéale qu’ils peuvent l’imaginer. Sur ce point je me reconnaîtrais plus dans Lars Ulrich qui semble moins enclin à montrer son comportement réel envers les gens. Même s’il se présente avec sa famille dans sa maison, il ne semble pas si à l’aise que James à oublier les caméras. James est très naturel, je pense qu’il est sorti grandi de ses problèmes de dépression. C’est cela qui crée la différence selon moi entre lui et les autres.

A : Est-ce que ta vie avec Angra a parfois tendance à prendre le pas de façon excessive sur ta vie personnelle ? Je pense par exemple aux longues périodes de tournée loin de ta fille…
R. B. :
Ce que nous touchons ici est le pire côté des choses. Si on me dit que ma vie est extraordinaire, de pouvoir jouer devant beaucoup de gens, de voyager beaucoup, etc, je dirais qu’effectivement je suis extrêmement chanceux. De retour chez moi, je me pose en tant qu’individu ayant eu la chance de pouvoir palper cette perspective du monde et c’est ainsi que l’inspiration vient. Mais quand je pars en tournée, c’est comme si rien ne pouvait me toucher car tout est beaucoup trop euphorique et éphémère. Nous rencontrons tellement de gens comme toi maintenant, nous partageons un bon moment, mais cela est toujours pressé par le temps et tout disparaît tellement rapidement que finalement on se sent très seul. J’ai le sentiment de passer ma vie à dire « au revoir » ! (ndlr : Rafael ne croit pas si bien dire, c’est à ce moment précis que nous sommes interrompus)

A : Angra en trois mots…
Rafael Bittencourt :
Equilibre, envol, intensité.


Site Officiel : www.angra.net

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